vendredi 23 octobre 2015

Blog de Psy. A quoi ça sert?

Psychologue paris 9, psychologue Val d'Oise


comment trouver un bon psychologue sur Paris

Pourquoi un blog de psy?


Parce qu'être psychologue en libéral ne doit pas rimer avec travail solitaire, ce blog a vocation à être une plateforme d'échange pertinente et conviviale pour celles et ceux que le travail psychothérapeutique et la psychanalyse intéressent.

Articles théoriques, séminaires, formations, thèmes spécialisés, actualités psy sont au rendez-vous. Mais aussi anecdotes, coups de coeur et coups de gueule.



Le psychodrame psychanalytique individuel : Pourquoi ça marche?

Psychodrame psychanalytique individuel : plaidoyer 



Notre expérience du psychodrame psychanalytique individuel se base sur notre expérience de meneur de jeu dans le psychodrame pour enfants et adolescents de l'hôpital Saint-Anne à Paris, au sein du VI ème secteur de guidance infantile.

C'est quoi le psychodrame ?

Le terme de psychodrame est aujourd’hui entré dans le langage courant. En témoigne l’expression devenue à la mode : « on est en plein psychodrame ». L’idée exprimée ici illustre une situation particulièrement difficile où les protagonistes ont le sentiment de vivre un « drame psychologique ». D’où une première appréhension légitime devant un terme qui, en réalité, décrit une technique psychothérapeutique précisément théorisée et reconnue pour son efficacité.

 Petit historique du Psychodrame.


La paternité du terme de psychodrame revient au médecin J.L. Moreno. Dans les années 1920-1930 Moreno expérimente un « théâtre de la spontanéité » où le patient était invité à mettre en scène ses problèmes pour les faire disparaître.

Dans les années 60 un groupe de psychanalystes français réinvestissent le psychodrame morénien pour le transformer en profondeur. Il ne s’agit plus tellement de se centrer sur la visée cathartique du psychodrame – ce qui est « lâché » sur scène –  mais plutôt sur ce que le jeu suppose et engage comme scène psychique privée à interpréter. L’action par le jeu n’est plus une fin en soi mais un moyen d’arriver à un travail psychique d’élaboration, de transformation, des modes de fonctionnement de l’individu.

Ainsi le psychodrame psychanalytique individuel est devenu une nouvelle approche thérapeutique pensée pour des personnes pour lesquelles les dispositifs strictement verbaux ne conviennent pas. Il s’invente comme une adaptation du cadre analytique dont il garde les éléments clés, à savoir l’analyse du transfert, de l'inconscient, et le travail d'élaboration, de symbolisation ou de construction à partir de contenus psychiques bruts.


Notre pratique s’inscrit dans cette lignée.

Définition du psychodrame individuel


Le psychodrame emprunte au théâtre sa dimension ludique, au jeu de rôle sa spontanéité et à la psychanalyse sa profondeur. C’est une forme de psychothérapie qui par son utilisation du jeu d’improvisation, sa mise en mouvement du corps permet l’élucidation et le traitement de certaines problématiques difficilement accessibles autrement. Par sa mise en jeu d'une parole qui s'incarne, de l’imaginaire, du « faire semblant » et grace à la présence de plusieurs thérapeutes psychodramatistes, le psychodrame permet de se lier aux mots, de se représenter, d'ouvrir accès aux perceptions, sensations et associations qui jusque-là n’arrivaient pas se dire ou se ressentir.

Fragments cliniques


"Le Psychodrame c'est comme du théâtre alors?", Nicolas, 14 ans.

Si le psychodrame peut ressembler au théâtre le but poursuivi est fondamentalement différent. Il ne s'agit pas de bien jouer mais de mieux penser.
Tout d’abord le vocabulaire. Ici ni décor ni costume. Point d'acteurs mais des thérapeutes et un patient. Enfin il n'y a pas de public, le contenu des séances étant bien évidemment confidentiel.
Il ne s'agit pas de "créer" au sens artistique mais de relancer un processus créatif. D’ailleurs il n’y a pas de texte à interpréter mais une parole qui cherche à se dire. C’est souvent le contraste avec ce que l’on s’attendait à jouer et la scène effective qui fait l’intérêt de cette approche.

"Mais si on joue c'est pas vraiment sérieux", Alice 29 ans

Nul besoin d'être austère pour être sérieux. Lorsque l'on sait la quantité d'affects que le jeu psychodramatique engage il devient évident que les scènes jouées ont à voir avec la réalité du patient. Le jeu a donc toujours un enjeu où le personne se dit et se risque.

Pensé comme une médiation par le jeu, c'est-à-dire comme une technique amenée à produire un discours nouveaux sur les symptômes, le psychodrame conduit vers une "autre" réalité. Cette part "cachée" du sujet et qui pourtant ne cesse d'insister. Et c'est tout le sérieux de l'inconscient que de se révéler dans les détours du jeu et de la parole.

Les spécificités du psychodrame.


  Le jeu.

Au psychodrame le patient joue, parle, fait des gestes. Il est debout, aidé en cela par un groupe de thérapeutes.

Dans cet espace de jeu, le patient peut reconnaître chez les autres personnages les différentes facettes de sa personnalité. Il va pouvoir travailler dessus grâce au plaisir du jeu improvisé. Dans cette entreprise de transformation, il va être amené à s’apprivoiser peu à peu via un « effet miroir ».

  La dimension groupale du psychodrame.

Le groupe mobilise des processus psychiques et des dimensiosn de la subjectivité qui ne sont pas mobilisés de la même manière dans les thérapies individuelles. Au sein d’un cadre rassurant et fiable, le psychodrame travaille notamment sur les "prérequis" : pour ceux dont les problématiques exigent que soient d’abord rétablis les conditions d’un contenant psychique.

  La dimension diagnostic

Le patient est donc inviter à découvrir les ressorts de son fonctionnement mental. De plus nous avons constaté que cette technique avait une véritablement pertinence diagnostic dans la mesure où le patient est "en situation". Les psychodramatistes ont alors à leur disposition un matériel très riche en terme de structure psychique.

 Que joue-t-on en psychodrame?



On peut jouer aussi bien le présent comme le passé ou l’avenir. Le choix est très large.

Tout ce qui vient à l'esprit peut donc être joué au psychodrame; les co-thérapeutes pouvant jouer des animaux ou des objets. Cette totale liberté n'est pas confusionnante car elle va de pair avec la règle d'abstinence - "On ne se touche pas". Le but n'est pas de jouer au plus près un souvenir mais de créer les conditions de possibilité pour qu'un élément nouveau de l'histoire du sujet apparaisse. Et c'est souvent le décalage produit entre la scène imaginée et la scène jouée qui est plein de sens.

A qui s’adresse le psychodrame ?


Les indications de psychodrame sont nombreuses et se pensent toujours au cas par cas. Elles ne dépendent pas d'une pathologie précise mais se pensent plutôt en fonction de difficultés à se représenter, à symboliser, à rêver, à mettre en mots les vécus et les conflits internes, vécus de vide, de « blanc », de confusion, de sidération, des angoisses de n’avoir « rien à dire ».

Le psychodrame peut être proposé comme une alternative à une thérapie « classique ». Parfois il est mis en place en complément et en articulation avec une prise en charge individuelle; comme un nouveau souffle. 

Le psychodrame : aussi bien pour les enfants et adolescents que pour les adultes.


Le psychodrame se pratique de 7 à 77 ans...

Par exemple avec un enfant on joue d’avance la rentrée à l’école, la visite chez un dentiste, la naissance d’un petit frère, la séparation des parents, la mort de la grand-mère, etc.

Avec un adulte, un problème d’embauche, de conflits avec le supérieur hiérarchique, des questions d’argent, des conflits familiaux, les craintes…

Enfin le psychodrame est tout particulièrement indiqué pour les adolescents car les principales thématiques de cette période de transition ( l’agir, le groupe, le corps en mouvement ect...) sont inhérentes à son dispositif.

 Fragments Cliniques


  Maxime est un garçon de 11 ans dont l'indication de psychodrame a été posé eu égard à ses difficultés scolaires et à la pauvreté de son monde interne. Englué dans des affects dépressifs, Maxime n'arrive pas à esquisser un début de conflictualité psychique. De fait, il a du mal à investir la relation "en face à face" disant qu'il "n'a pas d'idées, pas de souvenirs" et qu’en plus « il ne sait pas jouer ».  
Lors de la première séance de psychodrame, nous jouons avec Maxime une   scène où un garçon interrogé par la maîtresse déclare ne pas avoir d'idée.
     
C'est sans conteste l'un des avantages du psychodrame. Etayé par les co- thérapeutes, Maxime terminera la scéance en disant au meneur de jeu : "qu'il  y avait en fait pleins de choses à dire" et qu'il s'était "senti moins seul". Plus tard dans le traitement, Maxime dira « qu’il ne demandait qu’à parler » mais « avait trop peur de ce qui pourrait se passer s’il avait des idées ».

  
Léo est un adolescent de 17 ans pour qui toutes relations aux autres s'avèrent compliqués. L'équipe du psychodrame sent rapidemment que c'est parce que Léo n'a pas "les mots" pour dire son malaise qu'il en vient à de violents passages à l'acte. Le travail s'oriente alors vers une entreprise d'étoffage de ses représentations psychiques. 

Peu à peu nous remarquons que l'adolescent commence à "trouver une autre voie". Maxime commence à percevoir que ses conduites invalidantes sont autant de manifestations défensives pour exister face à ses pairs.  

  A 32 ans Mathilde commence par nous dire qu'elle a "tout pour être heureuse" : une carrière brillante, un mari aimant et un bébé adorable. Pourtant elle est régulièrement sujette à des crises d'angoisses qui la paralyse et la conduise à des stratégies d'évitement.

Le travail de fond auquel amène le psychodrame lui permettra de se centrer sur ses troubles alimentaires. "sélectionner les aliments, contrôler ce que je mange est pour moi la seule façon de sentir que le cours de l'existence ne m'échappe pas" dira une co-thérapeute en position de double de la patiente.

Lors de l'analyse de cette scène, Mathilde nous confiera qu'elle n'avait jamais envisagé les choses sous cet angle et que cette parole lui ouvrait de nouvelles pistes...

Déroulement d’une séance


      Le psychodrame alterne des séquences qui se « jouent » et des moment d’échange avec le « meneur de jeu », qui est responsable de la séance, le garant du cadre et le seul à dialoguer avec le patient en dehors des scènes jouées. C’est lui qui rencontre le patient lors d’un entretien préalable et fait le lien avec les différents acteurs du parcours de soin. Il ne joue pas dans les scènes et décide de l'arrêt de celles-ci.
     
      Les "co-thérapeutes" au nombre de deux ou trois. Ils ont pour unique fonction de participer à la scène de psychodrame en jouant au plus près le conflit psychique du patient.
  
      La séance commence par un échange avec le meneur de jeu. Puis le patient est invité à proposer un scénario qu’il souhaite jouer ( un événement de sa vie, un souvenir, une idée…) Il se donne alors un rôle. Enfin il choisit parmi les co–thérapeuts à sa disposition ceux qui interviendrons dans la scène.
  
      Cette séquence est suivie par une élaboration avec le meneur de jeu.


   Cadre de travail du psychodrame

       
   Une séance de psychodrame dure 25 minutes. Une mais le plus souvent plusieurs scènes sont jouées.
       
   Le groupe de psychodrame se compose d'un couple de psychodramatiste confirmé et de deux ou trois psychologues en formation.
       
    Chaque séance de psychodrame est suivi d'une reprise en équipe. Ce temps est essentiel car il permet aux thérapeutes d'analyser ce qui vient d'être joué afin de toujours être au plus près des problématiques du patient. 
       
  Des synthèses plus conséquentes et des groupes de réflexions théorico-cliniques sont organisés au cours de l'année. Trimestrielles, elles font le point sur l'avancée des prises en charge et nourrissent la réflexion.
       
     Enfin une supervision trimestrielle avec un superviseur extérieur est garant du cadre.


       

jeudi 22 octobre 2015

Est-ce utile de voir un psy? Une question de réparation...

Est-ce utile de voir un psy? Une question de réparation...




Aujourd'hui je reçois un appel pour une prise de RDV.

La personne se présente et commence par me demander si j'interviens bien sur l'Isle-Adam et si j'ai de place de disponible.

La ligne téléphonique est mauvaise et je ne comprends pas tout...

J'entends par bribes : "comment ça fonctionne?" me dit-elle. Puis elle enchaîne sur son fils et parle d'un "problème de transmission". Madame ajoute qu'elle souhaite voir un "spécialiste parce que seule elle a tout essayé".

Nous nous mettons d'accord sur un rdv pour la semaine prochaine.

Quand vient le moment de raccrocher elle me dit qu'elle est embêtée parce qu'elle a "perdu le carnet d'entretien". Je pense à un jeu de mot sur "entretien psychologique"; l'humour étant en psychologie un indicateur important d'une labilité des défenses du moi.

Mais lorsqu'elle me confirme que le motif de sa venue est "un rdv préparatoire en vue du passage du contrôle technique" les choses s'éclairent.

Certes la psychologie a à voir avec la réparation mais d'une autre type.

Bonne journée madame et soyez prudente...

Mr Duménil, garagologue...

Petit Bonus...

blague psychanalyste

L'accueil : une qualité essentielle en psychothérapie.

L’accueil en psychothérapie d'inspiration analytique : un chemin d’altérité.


« Au prêtre on dit les offenses commises, au psychanalyste on raconte les offenses subies. »
M. Balmary[1]


Dire le mot « accueil » à haute voix c’est se mettre en présente de trois sonorités distinctes. Tout d’abord la syllabe A. Premier lettre de l’alphabet, premier babillage du bébé d’avant la parole, onomatopée total qui ouvre à l’inconnu en désignant des réalités contradictoires – aussi bien la joie que la douleur. Puis vient le son [k] qui tranche, qui coupe, qui sépare. Sonorité qui nait du fond de la gorge et d’où le souffle s’échappe pour s’arrêter net. Enfin le son [eil] qui vient rétablir l’équilibre, qui vient faire tiers entre [A] et [k]. Le calme après la tempête que ce son [eil]– un œil qui ouvre au regard qui reconnaît, au regard qui rassemble et qui élève chacun à une égale dignité[2].
Dire le mot à haute voix donc – pour vivre la haute voie que l’accueil suppose : de l’ouverture à l’inconnu en passant par un processus de séparation, il s’agira pour accueillir de se tenir à une juste distance. Même si, comme les trains, un accueil peut en cacher un autre puisque celui qui accueille n’est pas toujours celui qu’on croit…

psychologue paris 9 : l'accueil de l'intime


Les écueils de l’accueil.


Force est de constater l’omniprésence des références à la notion d’accueil dans nos sociétés occidentales. On parle par exemple aujourd’hui des « métiers de l’accueil » ; comme si ce qui était jadis un « donné » soit désormais l’objet d’une construction, d’une thématique prise dans une formation force de vente. Répondant à un besoin psychologique qu’il s’agira de mieux définir, il nous semble que cette insistance à vouloir accueillir est le signe d’un « manque » ou plutôt d’un retour du refoulé de nos sociétés modernes individualistes. Alors que l’accueil semble ne vouloir se satisfaire d’aucun juste milieu – l’on parle d’un « bon accueil » ou d’un « accueil glacial » – l’on serait tenté de dire qu’en la matière, plus on en parle et moins on en fait !
Si l’accueil se définit trivialement comme la réception qui est faite à quelqu’un ou à quelque chose, commençons par séparer l’ivraie du bon grain en insistant sur ce qui fait passer, à faux titres, l’accueil pour ce qui ne l’est pas.
Le verbe accueillir est formé du verbe « cueillir » et du préfixe d’origine latine ad qui signifie vers, ajouté à. Le verbe « cueillir » quant à lui vient du latin colligere (de cum avec et ligere cueillir) qui avait à l’origine un espace de signification plus large que de nos jours : cueillir ensemble mais aussi recueillir, ramasser, réunir.
Accueillir n’est pas recueillir. L’accueil indique une notion de mouvement et de volonté alors que le recueillement se trouve dans une zone de passivité. Une passivité qui certes doit se comprendre comme une réceptivité cultivée puisque le recueillant cherche à parvenir à un état dans lequel est développée l’aptitude à recueillir ce qui vient du dehors. En poussant plus avant l’on pourrait dire que tout recueillement vise une inscription dans un recueil et que dans le recueil, ce qui est recueilli est destiné à mourir.

De même accueillir n’est pas cueillir. Les deux verbes ne se situent pas sur la même ligne temporelle. L’accueil est pur présent et tissé de futur alors que cueillir vise l’éternalisation de l’objet : le coquelicot se meurt une fois cueillit mais reste à contempler, présent à jamais pour la mémoire, entre les pages de l’herbier. De plus la cueillette, à travers l’idée de rassemblement, suppose une certaine notion d’identité. Le cueilleur sait souvent d’avance ce qu’il cherche à cueillir car il souhaite compléter une collection. Il classe par groupe et par espèce dans le cadre d’une certaine homogénéité.  A l’inverse l’accueil ouvre à l’inconnu dans une dimension de surprise qui ne peut se prévoir. L’on a beau savoir qui vient dîner, nul ne sait comment le repas va se passer.
Ceci nous amène à la vérité profonde de l’accueil. Accueillir n’est pas héberger car si l’hébergement prête un toit, l’accueil partage un abri. L’accueil a vocation à construire un lien et vise une relation. Il « favorise » la rencontre. Le verbe « favoriser » a ici son importance au sens où accueillir ne signifie pas de facto qu’il y ait rencontre. Car la rencontre est un phénomène rare, imprévisible et inattendu. De là il est aisé de comprendre que toutes les tentatives de protocolisation de l’accueil en viennent à manquer l’essentiel : certes il est préférable de sourire, bien sûr qu’il est souhaitable d’être poli, mais idéaliser l’accueil en le centrant sur l’accueillant c’est faire de l’accueilli un prétexte alors que l’accueil véritable est relation. Car l’accueil est intrinsèquement hétéro-centré ; le danger pour l’accueil étant qu’il prenne ses racines dans la vanité où l’accueillant juge la valeur de son accueil à la lumière de l’état de nécessité ou de détresse dans laquelle se trouve celle ou celui qui est reçu.

L’accueil est déplacement car il est séparation.


Puisque l’accueil est relation il est donc aussi déplacement. Un ad cueil qui va vers. En cela la dynamique de l’accueil rappelle une vérité biologique première : si la graine restait sur l’arbre et n’avait pas besoin d’un milieu favorable pour s’épanouir, il n’y aurait ni continuité ni diversité vivante. L’accueil est donc animé d’une puissance métamorphique qui rompt avec la stabilité et l’esprit de conservation pour devenir un acte commun de transformation.
C’est ainsi que l’on comprend que l’accueil se fonde, plutôt que sur la cueillette qui recueille, sur une aptitude à entrer en relation, à tisser un rapport qui active deux pôles différents, l’accueillant et l’accueilli.
Poser que l’accueil est déplacement c’est rendre clair que l’accueil va de pair avec un processus de séparation. L’accueil implique la rupture d’avec un lieu d’origine. Plus que la cueillette c’est donc bien la bouture qui nous révèle la dignité du processus. L’accueil consiste à donner naissance à un nouvel individu à partir d’un fragment isolé. L’exemple le plus parlant peut être : les parents accueillent un enfant ; cet être neuf et qui pourtant vient d’eux. Et les parents connaissent bien alors les deux écueils mortels de l’accueil : la fusion, dans laquelle le deux devient un et dans laquelle disparaissent aussi bien l’accueillant que l’accueilli, ou la kénose, dans laquelle l’un se vide de lui-même en se déversant complètement dans l’autre, se diluant dans l’altérité rencontrée.
Dans une acception plus phénoménologique l’accueil est ce juste milieu qui relie deux êtres en proposant un sens nouveau, un sens qui était absent d’avant la relation qui est accueil. L’heure du dîner approche, quelqu’un sonne à la porte. Accueillant et accueilli se serre la main dans une dynamique qui se rencontre en terrain neutre ; sur le seuil. Plus tout à fait dehors, pas tout à fait dedans; le seuil est le lieu où le danger vient accoster à l’abri. Au delà du seuil existe l’inconnu affecté de la dangerosité, réelle ou fantasmée. Comment le repas va t-il se passer ? A mettre les points sur les « i », enlevons la lettre du mot pour découvrir que le « seuil » devient le « seul ». Le seuil serait donc ce lieu où l’on se tient entre soi et l’autre, un lieu où le sujet se découvre et s’expose souvent douloureusement dans le risque de sa solitude. Marqueur fondamental de l’irréductible unicité de l’être, le sentiment de solitude gagne à être pensé comme l’affect majeur qui témoigne de cette conscience du séparé en nous-même. Ainsi la dynamique de l’accueil nous invite à un déplacement plus profond encore : accueillir l’autre revient à s’accueillir soi et son propre inconscient. Car autrui fait vibrer en moi un espace inconnu qui surgit sur le mode de « l’inquiétante étrangeté »[3]. Autrui fait passer de l’ombre à la lumière cet intime qui devait rester caché en nous. Intime qui surgit comme étranger au point d’en être effrayant. Nul pessimisme là-dedans mais un appel au voyage. Lorsque j’écoute mes patients en séance je ne peux m’empêcher de penser que, si la souffrance est le lieu de notre finitude essentielle, cette traversé conduit à réaliser que chacun est tellement plus que ce qu’il croit être…
En conséquence l’accueil est performatif en ce qu’il force à changer. Il met en jeu une problématique de l’altération, du devenir-autre. Une altération qui jamais ne doit se muer en aliénation – puisque l’accueil est liberté et ne peut se prescrire. Il implique un défi et entraîne une dimension de volonté forte. La volonté d’accueillir, c’est-à-dire d’être à l’abri avec l’autre. Il demande un effort puisqu’il vient nous bousculer dans nos conforts et nos habitudes. Autrement dit, jamais la capacité d’accueil ne doit se figer en habitude, tout simplement parce que l’accueilli est toujours nouveau, a un visage toujours renouvelé.

L’accueil est ouverture à l’inconnu car il implique une juste distance.


L se présente à mon cabinet sur les recommandations de son père spirituel. A 35 ans, L est heureuse en ménage, est mère de deux enfants et a un poste à responsabilité. Le début de la séance se présente d’ailleurs comme une « check-list » qui prouve que tout va bien. Alors que je m’en réjouis L semble surprise. Elle déclare : « en tant que psy vous devriez vous attendre à ce que je vous dise que ça va très mal et que je vais m’écrouler » ? Je lui réponds que non et précise : « c’est très positif tous ces pans de votre vie qui vont bien. Chaque patient ici est accueilli pour ce qu’il est et pas seulement à la hauteur de ce qu’il souffre. » Intérieurement je me mets à penser que pour L, venir chez moi, est une démarche qu’elle a du mal à s’autoriser. A l’écoute des résonances inconscientes que la patiente suscite en moi, je tache alors d’adopter une attitude emprunte de juste distance[4]. Ni trop près ni trop loin. Trop loin équivaudrait à laisser la patiente se débrouiller seule avec un narcissisme en quête de reconnaissance. Trop près s’apparenterait à ne pas faire confiance, à être dans un forçage qui, sous couvert de vouloir aider, ne serait que projeter sur l’autre ses propres angoisses abandonniques.

C’est alors que L se met à pleurer : « j’ai pourtant tout pour être heureuse mais je n’y arrive pas ». Le reste de la séance sera consacrée à ce que L décrit comme sa « peur du vide depuis toujours ». Compensée par un comportement hyperactif, L se dit en lutte contre des affects dépressifs profonds, elle qui enfant avait pour rôle de réanimer sa mère psychiquement morte[5]. « Et le pire c’est que personne ne voit que je ne vais pas bien » ajoute t-elle. J’en viens à me formuler une hypothèse : peut-être que sa vision initiale du psy – un être vampirique qui se nourrit de la souffrance d’autrui – vient rappeler à la patiente l’ambivalence éprouvée vis-à-vis de l’objet maternel. Cette mère, autant aimée que haïe, prend tout l’espace psychique de la patiente et semble lui barrer l’accès à un travail thérapeutique pour elle-même. Comment être accueilli si c’est toujours un autre que l’on attend ?

Au fil des mois et des séances, L a rejoué sur le cadre thérapeutique des angoisses d’intrusions très archaïques. Souvent L ne venait pas à ses rendez-vous ou alors elle venait sans être annoncée. Pour le thérapeute il a fallu persister dans l’accueil, supporter d’être mis à la place de cette mère rejetante en se persuadant que les différentes attaques, si elles m’étaient adressées, étaient à destination de ma fonction et non de ma personne. Une séance fit date dans notre travail. Après les traditionnelles attaques en règle – « vous ne faîte que parler », « vous ne pouvez pas m’aider » – L me fixa du regard. Après un long temps de silence elle déclara : « en fait j’ai besoin que vous pensiez à ma place. J’ai besoin que vous me compreniez ». Je saisi l’occasion et répondit : « je ne peux pas vous comprendre. Dans comprendre il y a prendre et moi je ne suis pas là pour vous prendre quoi que ce soit mais pour vous offrir mon écoute. Il m’apparaît important que vous réalisiez que je ne suis pas à votre place et que, ce que vous vivez vous appartient à vous et à vous seule ».
Cette interprétation eut de grand effet sur la cure de la patiente. Rassuré sur mes intentions L réalisa que je n’avais pas vocation à devenir le maître de ses pensées et que, puisque je ne pouvais pas la comprendre, un chemin d’ouverture au partage se révélait alors possible ensemble. 

Conclusion

Conclure en redisant le mot à haute voix. Mais cette fois ci, le lier avec son article « défini ». L’accueil ou là-cueille. La surprise du « ah » fait place à l’adverbe « là » qui indique aussi bien la valeur de lieu ou de temps. Nous voilà donc « définis » dans notre analyse puisque l’accueil devient incarné ! Dans un temps donné et dans un lieu à construire, l’accueil est ce chemin d’altérité où chacun est appelé à sortir de lui-même pour rencontrer l’autre sur le seuil ; dans cet espace nouveau qui n’appartient ni à l’un ni à l’autre mais qui se vit en commun. La-cueille donc ; ce mouvement qui donne « le La » de la relation et veille sur l'approfondissement de la singularité fondamentale de chacun, qui seule nous replace les uns auprès des autres comme nécessaire. Enfin dimension éthique et politique à laquelle l’accueil nous enjoint. Plutôt que de vivre dans l’assurance d’un monde qui prône le « risque zéro » – assurance de rien sinon du zéro pointé de la relation – choisissons avec l’accueil le droit au mystère. Mystère de l’autre et de soi-même qui toujours nous remet en chemin. Mystère incarné, entendu non pas comme ce que jamais nous ne connaîtrons mais comme ce que nous ne cesserons jamais de connaître.

Etienne Duménil
91 rue de Provence 75009 Paris.
1 rue Henri Douay 95590 Nerville-la-Forêt (secteur l'Isle-Adam)



Bibliographie
M. BALMARY, Le sacrifice interdit. Freud et la Bible, Paris, Grasset, 1986.
S. Freud, L'inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Folio essais, 1985.
A. Green, Narcissisme de vie, narcissisme de mort, Paris, Minuit, 2007
D. Winnicott, La mère suffisamment bonne, Paris, Payot, 2006.





[1] M. Balmary, Le sacrifice interdit. Freud et la Bible. Paris, Grasset, 1986, p. 293.
[2] Notons que l’étymologie va dans ce sens puisque l’acception primitif du mot accueil vient du latin « accolligere », qui signifie « rassembler », et renvoie aux notions d’aide, de protection, de refuge.

[3] S.Freud, L'inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Folio essais, 1985. Unheimliche en allemand : heimliche désignant à la fois ce qui vient de la maison – l’intimité tranquille du foyer – et ce qui doit rester caché, secret.
[4] Cf. D. Winnicott, La mère suffisamment bonne, Paris, Payot, 2006.
[5] cf. le syndrome de la « mère morte » développé par A. Green, Narcissisme de vie, narcissisme de mort, Paris, Minuit, 2007